Le maître de musique
Elle est drapée en équerre sur la cuisse gauche du Maître, le torse profondément basculé vers l’avant. S’étant laissée choir presque à la verticale, Anne est maintenant invisible et entièrement submergée par la jupe flamenco à volants froncés vermillon, dont la corolle a été troussée d’un geste impérieusement viril il y a un instant et dont la floraison recouvre l’élève tout entière de ses replis. Au sol, dépassant du rebord inversé de ces somptueux pétales, on aperçoit la coulée sinueuse de la chevelure acajou parcourue de luminosités chaudes qui s’entremêle au délié des bras, des coudes cherchant à tâtons leur point d’appui, des mains qui courent sur le sol en tentant d’agripper le tapis ivoire à poil long.
Côté jardin, le jupon double à volants de popeline d’un blanc crémeux se déploie en une auréole au cœur de laquelle émerge la plénitude ainsi couronnée des reins en guitare et la rondeur vibrante de la croupe à la fois vive, ample, délicate et spirituelle. Dodue à souhait, rosissant avec toute la pudeur de l’innocence outrée, celle-ci se propose et se présente en astreinte, encore animée de frissons de rage qui font suite au premier instant d’humeur où la mise en cambré et les ruades ont exprimé l’étonnement de l’intéressée devant la tournure inattendue que prend cette leçon particulière.
Le popotin se dodeline, se contracte, se bombe imperceptiblement, l’action des muscles, la tension des articulations faisant frémir son arrondi, tandis que le bas ventre de la débutante trouve appui sur la jambe de son Maître, robuste comme un tronc, sûre comme une poutre. Les deux amples colonnes blanches des cuisses de l’élève sont fermement enserrées et assujetties entre celles de l’homme mûr qui leur font étau, musclées sous le pantalon de cuir noir dont la matière noble, troublante, sombrement évocatrice de motards et de loubars exprime bien l’incontournable autorité qui affirme, aujourd’hui, ses droits.
-- Pourquoi n’avez-vous pas travaillé vos gammes cette semaine ? Je vous ai assigné un exercice de base. Gamme majeure, avec points de départ sur la sixième et troisième corde, dans toutes les tonalités. Une heure par jour à tout le moins. Quoi de plus clair ?
Inscrite au programme Guitare 101, elle s’imaginait tirer de sa Yamaha flambant neuve – instrument de belle qualité pour une première initiation -- des accents fougueux ou lyriques, cristallins ou chaleureux par l’opération de l’Esprit, pour ainsi dire. La somme de travail requise d’entrée de jeu surprend, rebute cette habituée du Walkman. De l’amoncellement coloré sous lequel est submergée notre artiste s’élève l’objection affirmée.
-- Ça fait mal aux doigts ! Car le premier contact des cordes de nylon, des basses rainurées à filet rond qui chuintent sous le mineur et l’auriculaire, s’est révélé étonnamment pénible pour une main délicate, une volonté jusqu’ici peu trempée, un tempérament laissé en friche.
--Ça les massacre. Ça blesse la pulpe. À la fin, je les avais tout rainurés.
-- C’est la douleur que vous craignez ? C’est elle qui vous interdit cet effort minime ? Répond le pédagogue, inclinant le haut du corps et proposant au regard de la demoiselle, embusquée sous l’ample parasol de ses jupes, sa main gauche dont chaque doigt cornu, musclé, agile, a été rompu à l’exercice par des heures, des mois, une vie de fervente et tenace répétition.
-- Apprenez à souffrir un peu, mon petit. Prix de l’art. C’est un travail sur l’instrument donc sur soi le saviez-vous ? Si c’était facile, ce ne serait pas amusant. Vous cédez au premier obstacle ? Il faudrait plus de courage ! Vos doigts s’habitueront à la rigueur des cordes si vous savez vous y astreindre un peu régulièrement, tandis que vous maîtrisez le ba-bé-bi-bo-bu de cet apprentissage.
Joignant le geste à la parole, le Maître ponctue le « ba-bé-bi-bo-bu » en appliquant, des griffes de lynx qui ornent sa droite, un petit chapelet de pinçons dont les piqûres alignées sur l’équateur de la planète livrée à merci suscitent des protestations voilées provenant de la masse maintenant virevoltante des jupes retournées tandis que le joli cul se révulse, en proie à une ondoyante ruade.
-- Et ça fait mal à l’avant-bras !
-- Vraiment ? répond-il d’une voix maintenant d’acier. Vous êtes complaisante. Sans muscle. Sans nerf. Trop de facilité. Vous êtes une fille facile.
-- Je ne suis pas une fille facile ! proteste la débutante outrée, d’une voix maintenant vacillante où pointe l’angoisse. Elle adresse cette ultime déclaration de la pénombre où la confine le large drapé du vêtement tout entier retourné et dont la cloche sombre, l’horizon clos concentre maintenant sa réflexion sur sa bourde la plus récente. Le clair-obscur où elle se trouve recluse accentue encore pour elle la nudité de sa croupe en saillie, toute dénudée, toute livrée et toute abandonnée. Comment pourrait-elle ne pas prendre acte de cette capitulation imposée manu militari à sa chair que caressent les déplacements mutins et fugitifs de l’air ambiant marquant l’impérieuse gestuelle du Maître lorsque ce dernier ponctue son propos en effleurant de la main le derrière alerté par ces frôlements et dont les friselis annoncent l’appréhension de mesures plus affirmées.
Ce disant, le Maître empaume d’une main largement ouverte, de ses doigts rayonnant en éventail, le galbe rose et bombé témoin d’innombrables gourmandises et même de paresses alanguies, et qui sait peut-être aussi d’une complaisance habituelle dans des voluptés de couventine dont le fruit est maintenant proposé à son regard critique. Il le palpe. Puis, ses doigts s’incurvent recueillant la chair à pleine main pour en apprécier le dodu, la tendreté, comme un amateur déterminant la maturité d’un avocat.
-- La guitare espagnole est une leçon de beauté fougueuse, Mademoiselle. Aussi, de ténacité et de courage pour celle qui prétend s’initier à cet art. Jamais l’un sans l’autre. Vous devez remuscler main, poignet, avant-bras ? La belle affaire. Ce ne sont pas les coulisses de l’exploit. Puisque vous semblez rétive à son apprentissage et m’avez confié la tâche de vous l’inculquer, je dois vous guider… je vous guiderai, pas à pas, en révisant la leçon du jour.
Et joignant le geste à la parole, le Maître amorce la démonstration.
-- Do… comme la docilité que vous devez me témoigner en exécutant à la lettre mes instructions et que je saurai obtenir de vous.
Le bras s’élève lentement par-dessus l’épaule la paume large comme une rame les doigts tendus. On croirait voir un nageur pratiquant la brasse, prêt à amorcer le mouvement qui le propulsera. Et lorsque jaillit l’énergie contenue jusque là, maintenant libérée des muscles sous tension comme un ressort, le bras se déclenche, la main s’abat, giflant puissamment le joufflu rose qui blêmit sous le choc, se crispe puis se distend sous l’onde qui le parcourt, tandis que les cuisses trépignent, saisies dans le carcan qui les confine, et le tortillement des hanches tente de désengager le corps assujetti. Mais la main gauche plaquée sur le creux du dos fait abandonner à la rebelle toute velléité de résistance tandis que se poursuit la leçon si brillamment amorcée.
-- Ré… soit la réprobation dont votre paresse fera l’objet dans notre conservatoire.
Et cette fois, la main magistrale s’élève au plus haut tandis que le Maître contemple la plage rosacée imprimée par la première application et qui laisse deviner le cuisant souvenir qu’elle procure à la fautive. Pour ne pas faire de jalouses et répartir sur toute la surface du derrière délinquant la rigueur de la démonstration il abat délibérément sa puissante patte sur l’autre coussinet livré à sa fermeté et une fois la vigoureuse claque appliquée, crispe les doigts, ancrant légèrement les ongles tout autour de la chair assaillie, empoignant le bourrelet pour lui prodiguer la bonne et pleine mesure de sévérité qui lui revient.
-- Mi… qui évoque pour moi la misérable flemmarde dont la paresse l’amène à se trahir elle-même et à bafouer mon enseignement.
À ce mot de paresse la pupille outrée tente de s’extraire du drapé qui la piège en battant des bras à l’aveugle comme un papillon capturé dans une nasse. L’ample tohu-bohu du vêtement rappelle les voiles à demi carguées d’un navire au long cours ballottées sous le roulement gris acier d’un ciel lourd d’orage que parcourent en rafale les éclairs encore diffus, tandis que l’ouragan menace et la voix du capitaine ordonne, guide, tance l’équipage. Pour calmer cette furie naissante, le Maître desserre les cuisses, libère les jambes d’Anne. Encerclant du bras la taille de celle dont il veut faire sa protégée et son émule, il l’amène à pivoter sur la gauche la contraint à chevaucher sa cuisse, à la monter comme un cheval d’arçon, ce qui écartèle largement son intimité et l’invite à en révéler les trésors.
Scrupuleusement épilés, l’anus, le sexe se présentent dans leur splendeur native, glabres, libérés du maquis dont la disparition révèle l’organique et élémentaire beauté qui ramène le corps à son état sauvage. L’index du Maître, maintenant délié, adroit et tendre, change de registre et affleure moderato, parcourt en vibrato le cœur de l’entrecuisse, là où le fripement de l’épiderme en marque le point central, progressant avec une indicible lenteur de l’anus en bouton qui se contracte devant une incursion appréhendée jusqu’à bijou naturel dont le déploiement appelle des soins plus particuliers assurant la récompense de sa floraison.
-- OUIIII ! jaillit de la robe, déployée comme la grande tente d’un cirque où le spectacle s’ouvre en parade sous les feux de la rampe, l’assentiment dont les cuisses tressautantes confirment l’insoutenable urgence. Tandis qu’un envol d’étincelants délices parcourt dans tous les sens et en toute indécence le petit ventre rond d’Anne qu’il enchante de son papillonnement, une onde de volupté, plus profonde, plus élémentaire et fulgurante annonce la montée d’une glorieuse nécessité, la contraction prochaine du cœur de son cœur qui ne demande qu’à s’accomplir. Et le doigt magistral inculque aussi cette leçon essentielle là. Il en démontre le bien-fondé en s’immisçant entre les tendres lèvres de ce second visage, de cette face cachée hier, révélée aujourd’hui, départageant leurs doubles replis, explorant toute la profondeur veloutée, rose comme une conque dont elles marquent la voie d’accès, lui prodiguant un somptueux hommage sous forme d’une infime et aérienne rotation dont la patiente, et invitante, et subtile, et insistante rythmique provoque un irrépressible dégorgement de liqueur.
-- OUIIII ! se renouvelle l’appel à l’amoureuse euphorie qui parle haut, qui parle fort, qui marque paradoxalement le point d’orgue de ce ballet des rigueurs, tandis que l’instant béni où la volupté se déchaîne approche; tandis que le halètement du souffle, le battement accéléré du cœur, la sudation qui perle et lustre l’épiderme de cette croupe maintenant fort cavalière, l’ivresse des parfums ensauvagés, le déchaînement de toutes les impudeurs, la cadence artistement maintenue de l’adroite caresse témoignent d’une véritable science partagée de l’extase. Tant et si bien que toutes ces splendeurs conjuguées font monter au ciel d’amours o combien visionnaires l’étincelante fusée qui, parvenue au terme de son ascension, fait jaillir et éclater ses feux crépitants et sifflants en une richissime, somptueuse et incandescente pluie d’or rose, jaune et blanc qui se déploie pour couronner la nuit émaillée d’étoiles comme si elle rêvait de les éclipser avant de s’abolir dans un murmure de gratitude.
Ils ont quitté leurs rôles. À la sono, Johan Fostier, variations sur Folia de España et Fugue. Le fruit d’un petit miracle de travail. Il lui propose un verre d’Aveleda, un vino verde portugais, finement mousseux et dont la saveur de pomme verte se marie avec un rare bonheur aux canapés de fruits de mer qui l’accompagnent.
-- Deux crevettes qui se font minette sur une bouchée dévergondée, lui chuchote-t-il, en lui tendant l’amuse gueule où, sur un craquelin, deux crevettes roses s’étreignent, cœur à cœur et tête bêche, lovées l’une dans l’autre, le tout orné d’un fin triangle de concombre et d’un brin de persil. Elle accueille d’enthousiasme cet en-cas, ouvrant un large bec. Et il annonce la suite.
-- Taramosalata et amandes effilées ? Elle opine du minois avec un appétit contenu, mais évident.
-- Et je t’inspire ?
--Toute la gamme des sentiments qui font vibrer le corps d’une femme, j’espère bien, lui répond-elle du tac au tac, en lui décochant un regard de braise par en dessous, plein d’une réciprocité qui ne demande qu’à se démontrer.
Certains des graphismes illustrant cette page sont tirés du site de Red Charls http://red.charls.free.fr/galeries.php?theme=La%20Place%20Rouge, avec nos remerciements.
1 Comments:
le forme; le fond... sur la forme, bon, je suis gêné de retrouver "ma" charte graphique chez un proche, je te l'ai déjà dit. c'est le risque, il y a peu de thèmes possibles et celui-ci a attiré ton regard autant que le mien. Pas d'importance. Le fond foncé n'est pas mal non plus, mais c'est vrai que c'est moins plaisant à lire.
Pour les images choisies, il est d'usage comme tu l'as sans doute remarqué chez les autres (et donc chez moi) de créditer les photos utilisées, en précisant d'où on les sort. je ne le faisais pas au début, mais depuis je "lie" systématiquement avec une adresse les images dont je me sers.
aire un lien est aisé, il suffit d'aller dans >aide Blogger>Envoi et modification des messages blogs>Comment créer un lien vers une autre page Web ?
...et copier coller la balise, en mettant l'url et le texte voulu entre les guillemets à la place de ce qui est indiqué.
bien à toi
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