Z'oeufs z'interdits
Un intellectuel est un homme qui veut nourrir le peuple… et méprise les épiciers. Moi, je les adore. Les épiciers, s’entend. Consacrés au bonheur des familles, ils veillent à ce qu’il y en ait pour le corps autant que pour l’esprit. Quant aux grandes surfaces, épiceries nouvelle manière, elles conjuguent désormais la gamme de toutes les convoitises à prix d’aubaine alliant l’électronique et l’édition aux topinambours, fromages et charcuteries dans un cadre qui rappelle le hangar d’aviation plus que la boucherie du coin. Les consommateurs qui s’y engouffrent évoluent dans ce parcours du combattant aux mille sollicitations réparties sur des étalages de masse hauts de cinq mètres. Ils en rapporteront leur juste part dans des paniers à roulettes surdimensionnés conçus pour accueillir deux bonnes semaines de provisions et quelques caprices en prime, soit la somme de nos bonheurs tangibles. Or, voilà justement le cadre où se sont déroulés les événements authentiques et véridiques, je vous le jure sur ma tête, formant la matière de ce conte rédigé avec l’aval et selon l’inspiration de notre Sarahh, (http://www.u-blog.net/45hharaszehc/?1141472118haraszehc/?11414721188 ) une fois de plus induite en tentation. Le tout à nos risques et périls, chers lecteurs, mais dans une optique in-dé-fec-ti-ble-ment jovialiste !
Canicule d’août. Sarahh trottine en sandales dans le stationnement de l’hypermarché qui grille comme un tarmac sous le soleil plombant. Elle porte une jupe provençale, toute simple. Pas de slip. Ordre de son Bienveillant qui la veut à cru aujourd’hui. Au naturel, Mademoiselle. Obéissance d’abord. Amoureusement ballottés par un reste de brise, les replis de coton foisonnants de marguerites caressent ses cuisses, sa croupe, ses reins flambant nus. Ils se gonflent ? Elle les rabat des avant-bras, pudique dans son impudeur. D’autant plus que blottie au cœur de son sexe, la masse ovale, dormante, opaque, un peu lourde de l’œuf vibrant qu’il y a introduit avant leur départ, attend son heure. Et renseignement pris, il reste en place, tendrement bercé par sa démarche et lové dans le fourreau accueillant et soyeux de son sexe.
Ils avancent vers la vaste devanture vitrée. Elle renvoie en moiré un ciel sans nuages marqué par un avion de ligne qui le raye d’un long trait neigeux, inscrivant sa progression d’Est en Ouest. Son aiguille argentée et ailée gravit lentement, imperceptiblement, jusqu’au zénith, la voûte où éclate la fulgurante lueur du soleil sur le fond d’un lumineux lavis qui conjugue en dégradé turquoise et bleu d’azur. Bienveillant empoigne au passage le premier des chariots qui, imbriqués les uns dans les autres, montent la garde en une interminable file indienne à l’entrée de l’établissement. De la poche de sa jupe, Sarah extrait la liste des emplettes.
À l’intérieur, leurs yeux habitués à la blancheur incandescente d’août à midi s’acclimatent graduellement à l’éclairage moins vif, tandis qu’ils pénètrent dans le brouhaha animé d’une grande surface. L’établissement déploie devant eux à l’échelle de son vaste entrepôt, sa multitude de biens, de produits, de denrées. Poussant devant lui le chariot vers la section des fruits et légumes, du haut de sa carrure il porte sur elle son regard trempé d’un éclair d’acier. Sarahh le lui rend en une œillade de biche et quand leurs yeux se croisent, s’alignent, elle se sent, par le surgissement d’une lame de fond, toute petite, toute pénétrée, livrée à merci. Ce qui comble son véritable désir bien au-delà d’une ferveur convenue. Alors s’amorce le vertige que lui procurent les voluptés particulières auxquelles elle a initié son Homme, lui servant de pédagogue, dans un premier temps. Voluptés dont il est maintenant passé maître. Son maître et tuteur.
-- Tout est clair ? lui demande-t-il, souriant. Il a appris, au fil des mois, à son étonnement, parfois avec scrupule, quel ascendant il peut avoir sur elle. Ce pouvoir, il le sollicitera, l’exercera, aujourd’hui, sans abus, avec art et dextérité. Il vit un bonheur particulier, hors normes mais bien réfléchi, qui se tient du bout des doigts, avec délicatesse et une infinie prudence, comme un œuf. Et il le sait. Le prix de cette béatitude : un équilibre fragile entre amour et rigueur, qu’il maintient d’instinct, dansant en funambule sur ce fil du rasoir, avec la juste aisance que procure une authentique tendresse, une véritable estime.
-- Top, dit-il, marquant le début du jeu. Elle s’empare du panier et le fait rouler vers les fruits et légumes. Il la suit, à son habitude. Au long des présentoirs réfrigérés, ronronnants et munis de brumisateurs automatiques, foisonnants comme un jardin, voisinent divers tons de verdure, vifs, tendres ou sombres ; le rouge franc, l’orangé chaleureux le vert incisif des piments qui se présentent selon l’alignement de leurs cageots respectifs ; les bottes d’aneth chevelues ; les salades bien troussées, blotties les unes contre les autres ; les concombres tendus, lustrés de bruine, qui semblent présenter les armes comme à la parade.
Au moment où elle y porte la main, Sarahh sent se déclencher dans l’antichambre de la vie dont l’accès oblong est tapissé aux tons de coquillage, dans le sous-sol de son être, la secousse tellurique de l’Oeuf dont le bienveillant a mis en circuit la télécommande. Comme si le cupidon qui y est amoureusement recroquevillé naissait à la vie dans un bondissement, faisant frémir sa coquille afin de s’en extraire. Elle jette un regard par-dessus l’épaule, voit la main de son Homme plongée jusqu’au poignet dans la poche gauche du short tandis que les doigts, invisibles, s’activent. L’onde de la volupté insistante, irrésistible, à la limite du soutenable rayonne et se propage à partir de son point de fusion, d’abord dans son sein tandis que son sexe s’avive, se crispe, dur comme roc. Puis, elle s’étend et se déploie parmi ses viscères, fait se tendre son ventre comme à la gym, comble sa croupe dont l’infime saillie, le balancement à peine perceptible trahit le trouble, tandis qu’elle est parcourue de papillonnements affolés. Elle avive l’intérieur des cuisses de voluptés coulantes et fulgurantes dont le déroulement les fait fléchir sous elle tandis que ses genoux se resserrent l’un contre l‘autre.
Jetant son regard par-dessus l‘épaule, Sarahh soutient celui de son Amant aimant, de son Tourmenteur ardent qui l’aguiche, la titille, l’émoustille, la catapulte encore plus haut encore plus loin et jusques au soleil tandis que son âme s’envole et qu’elle se cramponne, faisant l’impossible pour sauvegarder les convenances, ne pas chuter, ne pas s’égarer parmi les gondoles et étalages où il lui reste à faire son marché tout en assumant les conséquences de cet autre marché conclu avec Monsieur qui entend bien tenir parole, n’en ayant qu’une. Seule la dilatation des pupilles que l’on attribuerait volontiers à un émerveillement d’acheteuse, rien de plus bergère qu’une incertitude momentanée du regard exorbité une microseconde, trahissent l’émoi qui s’empare d’elle, alors qu’elle tient, toute bravette et résolue, la gageure de ne rien laisser voir. Elle dirige ses pas vers les poissons et fruits de mer tandis que l’entêtante aguicherie qui commence à accentuer son déhanchement en un tango des jours heureux et la contraint à prendre appui sur la poignée du panier, s’interrompt à mi chemin, aussi inexplicablement qu’elle s’était déclenchée. Quiétude miraculeuse et retrouvée. Ouf !
-- Bonjour Monsieur auriez deux filets de saumon, sans la peau ? Et pourriez-vous me dire, s’il vous plaît où se trouvent les fournitures pour sushis ?
Devant elle, sur lit de glace, les filets nacrés de sole, de turbot, de bar se déploient en éventail, ornés de persil. Émergeant de la glace concassée où ils sont à demi enfouis, un banc de vivaneaux entiers, rougeauds, muets, la dévisagent collectivement d’un regard interrogateur, comme s’ils avaient percé son secret. Entre temps, son Biententant a été musarder devant le vivier à homards où la combativité des crustacés, caparaçonnés comme des shoguns, ne rachète pas le désolant spectacle d’existences en sursis qui le ferait volontiers opter pour le tofu et la méditation transcendentale. À ce mot de sushis, il l’a rejointe afin d‘assurer de nouveau l’arrière garde et reprendre du service, nous le craignons.
-- Des sushis ? Super. Justement, je voulais te proposer de regarder ce soir Les sept samuraï de Kurosawa.
-- Dac. Alors tu vas nous chercher un sac de riz, un tube de wasabi, -- tu sais le raifort --, des sticks de simili crabe, un pot de gingembre confit, du caviar de poisson volant et un paquet de nori, les algues séchées, un paquet de 40. Le concombre et l’avocat, j’ai déjà. Je vais nous faire des makis, des california rolls. Ça convient ?
Et il court sus aux fournitures pour sushis comme un ronin soudainement investi d’une mission impériale, tout en en plongeant, mine de rien, la menotte dans la poche gauche de son short où il active du bout du doigt la télécommande made in Japan, régalant sarahh d’un vibrant hommage, profondément senti et ressenti.
-- Madame, votre saumon. Je vous souhaite une bonne journée.
Le poissonnier lui tend par-dessus le présentoir les deux filets sous emballage de papier kraft, pesé, étiqueté.
-- Merci Monsieur. Vous de mêêêêêêêême ! s’exclame-t-elle, à un cheveu d’échapper le paquet qui semble bondir et virevolter entre ses mains. Éloigné de cinq bons mètres sur la gauche, presque masqué par le chaland qui déambule, Monsieur la seconde avec une merveilleuse entente dans la prise en charge des approvisionnements. Devenu Maître es sushis, tout entier consacré à ses devoirs de mari qui se fait un point d’honneur d’assumer sa juste part de travail non rémunéré au sein du couple, il affiche l’innocence de l’agneau qui vient de naître.
-- Banzaï ! s’exclame-t-il en revenant vers elle les bras chargés du nécessaire requis pour lui révéler ce soir même tous les mystères de l’Orient.
-- Arigato ! lui rétorque-t-elle, saisissant l’occasion au rebond avec un sourire crâneur digne d’une princesse guerrière. Il pose le tout dans le panier, tourne les talons et dirige ses pas vers la section des téléviseurs et DVD. Elle le pourchasse et le poursuit. Car une fois le dispositif lancé, elle doit se trouver dans un rayon de cinq mètres pour que la télécommande puisse transmettre la mise hors circuit si vivement espérée, si ardemment attendue. Allez donc vous livrer aux voluptés d’un steeple chase tandis que votre intimité en surexcitation vous casse les jambes à chaque enjambée tout en vous régalant l’entrecuisse d’un titillement obsessionnel qui ne saurait dérougir, soit d’un incoercible sexe à piles.
-- Minute, minute… œufs et fromages. Elle saisit une douzaine d’œufs et cueille un Camembert dans la foulée, poursuivant sa course tandis que le Bientrottant force la marche, allonge le pas, l’entraînant avec la ferveur d’un marathonien vers la section des téléviseurs dont le bas, milieu et haut de gamme, tous formats et dimensions confondus, écrans classiques et plats, carrés et rectangulaires conjugués, forment au loin un damier d’images synchro se déployant sur un étalage de dix mètres sur cinq. À l’affiche. Basic instinct.
-- Stop dit-elle, impérieuse
-- Stop kwa ?
-- Tu stoppes le bidule, le machin le schtroumpf-la-la !
-- Sinon ?
À l’arrière plan, vingt-cinq écrans juxtaposés évoquent l’œil à facettes multiples d’une mouche, comme l’illustrent les encyclopédies jeunesse. Vingt-cinq Sharon Stone en minijupe trousse-pet d’un blanc virginal, se pointent au poste, sans avocat, sans slip, sans excuses et sans explications, pour un contrôle. Accompagnées par autant de Michael Douglas, « Nick », garde du corps, et quel corps. L’une d’entre elles, centre gauche, est affligée de distorsions chromatiques dignes de la chaîne XXX d’un hôtel de passe. Celles qui se déploient sur écran plat sont replètes et distendues dans l’axe horizontal, vu le réglage approximatif. Mis en sourdine, le son est réduit à un concert de chuchotements.
-- Pourriez-vous nous dire la nature de vos relations avec Monsieur Boz ? (En mal de voluptés particulières, le bellâtre quadragénaire, rocker en phase terminale, a été massacré au pic à glace dès le générique par une blonde assassine. Manque de pot.)
Le Biencinéphile parcourt d’un index nonchalant les titres qui s’alignent sur le rayon. Tandis qu’elle se dandine et trépigne comme une écolière dont la vessie est en alerte urgentissime, il fait son choix avec la circonspection d’un amateur avisé. Entre Basic instinct et La secrétaire son cœur balance. Il prend l’un et l’autre et se retourne. Le lascar affiche le regard énigmatique du matou qui vient de bouffer Tweetybird et propose les deux DVD brandis de droite et de gauche. Il campe le personnage publicitaire d’un présentoir en carton gaufré, découpé à l’emporte-pièce.
-- Lequel ?
-- Je vais t’en faire du cinéma maison ! Vive comme l’éclair Sarahh tente de fourrer ses doigts dans la poche du short, à la faveur de ce moment d’inattention inespéré.
-- Nyet ! Il esquive, se tortille, se plie en deux pour lui interdire l’accès à son short. Jamais de la vie. Hors-jeu. Ce serait hors-jeu… Il se relève. Y’a le jeu, la règle. D’inconduite. On ne triche pas ! Lequel ? De nouveau les bras tendus comme un démarcheur à commission proposant une gamme de brosses Monsieur sourit de toutes ses dents. Il ne manque que la veste carrelée, la cravate à pois, le pantalon de polyester, les souliers deux tons et le fondamentalisme charismatique.
… j’aimais coucher avec lui, poursuit Sharon Stone, alias Catherine Tramell, romancière, caressant du regard les représentants de la force constabulaire qu’elle hypnotise presque d’entrée de jeu. Il n’avait pas peur des nouvelles expériences. J’aime les hommes comme ça. Les hommes qui me donnent du plaisir. Il m’a donné beaucoup de plaisir. -- Avez-vous essayé avec lui des pratiques… sadomasochistes ?
-- Qu’avez-vous exactement en tête, Monsieur Corelli ?
-- Basic instinct ! Tu vas pas voir le film, mon bonhomme. Tu vas vivre l’expérience. Les couteaux de cuisine sont à deux pas dans la rangée six. Tu coupes le contact ou je te fais hara-qui-pleure et coupe court… à toute ambiguïté !
Vingt-cinq visages de Wayne Knight, alias Corelli, émergent hors foyer - en foyer. Gros plan extrême, lunettes sans monture : -- Avez-vous tué Monsieur Boz Mademoiselle Tramell ?!
-- Tu trouves ça ambigu ? Ça me semble évident. Limpide. Ça coule de source. J’imagine. À l’heure qu’il est. Goguenard. Il se déhanche insolemment. Danse dans ses baskets. Imprenable. Incontournable. Que faire ?
-- Vous prenez de la drogue, Mademoiselle Tramell ?
-- Ça m’arrive
-- Vous avez pris de la drogue avec Monsieur Boz ?
-- Bien sûr
-- Quel genre de drogue ?
-- Cocaîne. (Dévisageant Michael Douglas). Vous avez déjà baisé sous cocaïne Nick ?
Son Biencompatissant se tourne, pose les deux DVD sur la tablette, lui fait face de nouveau. Métamorphose. Il fourre ses mains dans les poches de son short kaki, faisant ressortir sa carrure de nageur. Plante son regard volontaire, impérieux dans celui de Sarahh qui se sent amoureusement fléchir sous cette caressante emprise. Comme par magie, la volupté vrillante et insoutenable, tout ce ballet folichon et impudique qui rend fou le cœur de son cœur cesse. S’interrompt. Enfin. Merci ! Il a coupé le contact. La paix. Pour trente secondes ? Une minute ? Quoi qu’il advienne, tenir le pari jusqu’au bout.
Alors, dans son dos, réparties jusques au plafond, vingt cinq Sharon Stone décroisent les jambes avec un merveilleux ensemble, comme une brochette de Rockettes, pour laisser entrevoir en un éblouissant éclair aux flics subjugués, sidérés, médusés, autant de monts de vénus artistement tondus, presque glabres et de multiples portes du paradis, en enfilade, sous la jupette assassine. Elle recroise sur sa gauche.
-- Donc, c’est Basic Instinct ? Je le savais. D’instinct. On passe à la caisse.
Le préposé à l’emballage met les denrées en sac et les pose dans le panier, tandis que la caissière totalise le montant, invite Sarahh à régler avec sa carte bancaire.
-- À vous.
Sarahh empoigne le pavé numérique, s’apprête à former le code. Code secret. Clé de sa richesse. Sésame de son identité. Il ne faut utiliser ni votre adresse, ni votre date de naissance précisaient les instructions. Le code doit être inattendu. Indéchiffrable. Comporter au moins quatre caractères. Faciles à retenir, en toutes circonstances. Au moment exact où elle va poser l’index sur la première touche, la contredanse électronique reprend de plus belle. Cette fois elle croirait volontiers que le dispositif est en train de lui vriller les tripes pour remonter jusques au sternum. C’est pas Basic instinct qu’on aurait dû se procurer, pense-t-elle. C’est Méphisto avec Claus Maria Brandauer… et elle se mord la lèvre inférieure en se concentrant malgré tout sur les quatre chiffres qu’elle doit entrer, quoi qu’il advienne, à tout prix, à n’importe quel prix, sous le regard d’abord neutre, puis inquisitif de la préposée :
-- Madame ?
« 0690 »
Le baiser du Diable. Le baiser de Vie ? Le baiser de Paix ? La baise tête-bêche. Diablement délicieuse ! Sa signature. Top secret. ENTREZ.
-- J’espère que tu n’a pas oublié… les œufs s’enquiert-il en se rengorgeant, un brin décontenancé mais résolu à faire preuve d’un maximum d’esprit sportif.
-- Treize à la douzaine. Les z’œufs sont frais. Et tout va pour le mieux. Car j’ai gagné ! S’exclame-t-elle. Fière de son coup. Elle a bien le droit. J’ai GA-GNÉ ! NAAAAAA !
Bon prince, il acquiesce. Elle a effectivement remporté la partie. Pari tenu. Haut-la-main. Femme d’esprit, pense-t-il. Du cran comme dix.
-- Je l’ai mon voyage aux Bahamas ! C’était l’enjeu convenu de cette folle équipée.
-- Oui, ma chérie, répond-il, savourant la fierté de sa petite femme comme si le sentiment émanait de lui-même. Et il le constate : sa victoire est leur réussite. Très chère. Très chair. Il ouvre le hayon, va au panier pour y prendre la boîte contenant le saumon, le riz, l’épicerie orientale. Sarahh y saisit à bout de bras, avec un petit « ahan ! », les deux sacs de plastique où se trouve réuni tout un potager de légumes. Elle dépose son fardeau dans la voiture. Se penche pour le repousser vers l’avant et libérer l’espace.
Voyez les genoux coincés contre le pare-chocs, son corps tendu en équerre comme si elle était à quatre pattes, la poitrine magnifiquement mise en valeur, la taille amincie par l’étirement, les reins souples qui se creusent , la croupe épanouie, offerte à toutes les convoitises conjugales, le ballet de la jupe dont l’ourlet se lève graduellement à mesure que l'extension s'accentue, laissant espérer, puis accomplissant des révélations plus splendides encore. Que dire de la brise friponne qui trousse le vêtement ? Toutes ces merveilles conjuguées font que la nature suit son inévitable cours. Le Bienfessant pose, à côté d’elle, sa boîte. Il jette un regard de lynx à droite, à gauche. Pas un chat. Ni une chatte. Ou plutôt, si. Et cédant à l’irrésistible tentation qui le tarabuste depuis le tout début de ce périple, seul moyen de s’en affranchir, il encercle la taille si complaisamment tendue, contemple la croupe que la posture rend plus saillante, tandis que la robe tout à fait retroussée dévoile les familières splendeurs qu’elle ne dissimule plus. Fermant les yeux pour mieux savourer le geste, il plaque sa patte virile au cœur de la raie dont il savoure à l’aveugle le vallon profilé, comme s’il lisait du Baudelaire en braille. Puis, élevant le bras avec la prestance d’un tennisman qui va décocher un boulet de canon il abat deux puissantes claques, de droite et de gauche, en toute équanimité, sur les miches, le cul bien aimé, bien dressé, aux ordres, polisson mais policé, amoureusement préservé comme un trésor, pays conquis, livré à loisir à son souverain légitime et qui ne saurait rien refuser au Maître de séant.
-- Une fessée se donne sur les fesses nues… ? Murmure-t-il, ânonnant avec une emphase interrogative le lieu commun du genre, tandis qu’ils bouclent leur ceinture de sécurité dans un cliquetis de fixations avant de lancer le moteur. Et Sarahh de conclure l’énoncé proverbial :
-- … petit cochon d’amour ! en décochant à son Bienveillant un clin d’œil qui conclut leur aventure en joie.
3 Comments:
Ah, André, que voilà un joli récit avec le fameux parfum du réel mixé avec l'amusant passage "basic"... Une écriture touours aussi plaisante et des images choisies qui illustrent l'ensemble de belle façon. Un délice avec le goût du vécu, ce qui décuple le plaisir. Merci à toi et à Sarahh ainsi que son Bienveillant mari.
Bien le bonjour mon cher André.
Parfait!
"z'oeufs z'interdits" est vraiment à sa place ici!
amitiés et tendre bisou
d'une traite, j'ai lu ce récit.
André vous êtes génial.
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