À l'ombre des jeunes filles en fruit

Quel charme trouble dégagent ces demoiselles parvenues à maturité et dont les comportements appellent encore des mesures que l'on croirait être le fait de la prime jeunesse ! Un éducateur expert saura conjuguer tendresse et rigueur à leur bénéfice et voilà ce qui fait l'objet de notre réflexion.

5/06/2006

Services de sécurité


Ah, qu’elle était tentante et tentatrice cette montre Gucci, sous les halogènes qui mettaient en valeur et faisaient chatoyer les rebords biseautés de son boîtier conçu dans le grand Goût. Vos doigts si agiles l’ont saisie en un tournemain à l’instant où la préposée, qui vous semblait balourde et un peu bête, détournait le regard. Puis, vous avez glissé le précieux objet dans votre sac, d’un geste négligent, un sourire illuminant vos lèvres, tout en vous gardant bien de jeter par dessus l’épaule un regard qui vous aurait signalée, qui aurait trahi l’angoisse coupable fleurissant dans vos viscères. Funeste erreur.

À cet instant, le gardien -- un magnifique Zaïrois dont la carrure se déploie sur plus de six pieds -- fond sur vous, confisque adroitement l’objet d’une clé de bras virile, vous bâillonne de sa large paume qui fait taire vos protestations peu convaincues. La masse de son poing creusant vos reins, ses doigts puissants enserrant votre visage, il vous entraîne, sans ménagement à l’arrière de l’établissement sous le regard ébahi ou réprobateur des autres clients et clientes qui, loin de faire obstacle à son intervention, lui ouvrent la voie avec complaisance. Le trot accéléré et trébuchant imposé par sa contrainte irrésistible vous amène, comme une pouliche rétive face au saut qu’elle redoute, toujours plus près d’une porte d’acier gris où, vous l’avez remarqué de loin, figure en grandes majuscules rouges la mention

SERVICES DE SÉCURITÉ

Penaude comme une écolière vous tentez de vous refaire une beauté en hurlant d’abord au scandale, pour la forme. Puis vous protestez de votre bonne foi, tandis que la directrice de la Sécurité admire le trésor devenu pièce à conviction, scintillant sur le bureau de chêne derrière lequel siège cette femme équarrie comme une matrone. Elle est flanquée de ses deux acolytes, plus jeunes, qui affichent, elles aussi, une autorité musclée. Et devant la preuve accablante du flagrant désir où l’on vous a surprise, vous adoptez le ton plus conciliant, plus suppliant d’une jeune fille qui appréhende les conséquences d’une bourde récente et ne sait pas encore jusqu’où iront les choses, tandis que sa mère la fait pénétrer dans l’étude paternelle, d’un geste affirmé.

« Mademoiselle, deux choix s’ouvrent à vous, explique la directrice en vous fusillant d’un regard qui se veut furieux, mais trahit un inexplicable amusement. J’appelle la police, dans un quart d’heure vous êtes au poste. Vol à l’étalage ? Vous écopez de six mois à Tanguay. Avec des gens tout à fait biens : putes, junkies, paumées, voleuses, oui, oui. Voleuses : c’est le mot ! Je vous passe les détails. Vous voyez le topo. Vous avez un mari ? Un petit ami ? Des enfants ? »

Et vous posez la question qui vous brûle désormais les lèvres, tandis que pour vous tout bascule et qu’une incoercible envie de pisser, de plus en plus urgentissime, vous tenaille, vous titille affreusement : « L’autre choix ? »

« Venez. » répond-elle, sibylline comme un maître zen. Votre ravisseur empaume votre nuque maintenant plus souple, tandis que les deux matrones qui vous flanquent de droite et de gauche ont empoigné vos bras, juste sous les aisselles. Ils vous entraînent, plus morte que vive, dans le vestiaire attenant : trois murs où s’alignent des cases grises, dont l’ordre impeccable et la propreté témoignent de la discipline, de l’exigence à laquelle leurs usagers s’astreignent. Le long du quatrième, les toilettes où vous ne rêvez que de libérer le trop-plein de votre insistante vessie en état d’alerte rouge. Un long banc de bois blond, à peine équarri, est le seul meuble qui, tout au centre, trône sous un éclairage blanc et cru ne laissant rien à l’imagination. Sur cet appareil est posée une large férule. Sa palette est ovoïde comme celle d’une raquette de bolo, mince comme ces règles de bois franc qui évoquent mille souvenirs d’enfance. Vous l’avez noté avec soulagement : l’instrument n’est pas conçu pour assaillir avec une brutalité affreuse les reins d’une jeune fille fautive, mais pour claquer puissamment sa chair, sans plus, en guise d’avertissement. Par ailleurs, son long manche recouvert d’un cuir souple et fin peut être saisi à deux mains, s’il le faut. Et vous constatez avec angoisse que son large ovale circonscrirait et embraserait tout à la fois, d’un seul coup, à la volée, non seulement les rotondités jumelles de votre popotin un tantinet joufflu, avouons-le, mais aussi, le haut de vos cuisses dont l’intérieur, si tendre, si sensible, est déjà aspergé, sous votre jupette, par la giclée incoercible et chaude qui s’écoulera dans une seconde jusqu’à vos chevilles et ornera d’une flaque accusatrice le plancher de ciment, vous foudroyant de honte.