À l'ombre des jeunes filles en fruit

Quel charme trouble dégagent ces demoiselles parvenues à maturité et dont les comportements appellent encore des mesures que l'on croirait être le fait de la prime jeunesse ! Un éducateur expert saura conjuguer tendresse et rigueur à leur bénéfice et voilà ce qui fait l'objet de notre réflexion.

5/07/2006

Quintette à cordes en do majeur




Puis-je adresser mes remerciements à notre Sarahh (http://www.u-blog.net/45hharaszehc/?1141472118haraszehc/?11414721188 ) et à son Bienveillant qui, au cours de nos conversations sur MSN, ont convenu de la rédaction et la publication de ce conte dont la thématique a été posée en collaboration, tandis que l’élaboration du texte m’était confiée. C’est après lecture et approbation par les deux héros de ce récit que je vous le livre comme un fruit luxuriant, mais pas nécessairement luxurieux de notre amitié.

Adagio

Sa chevelure bouclée et ondulante -- on croirait voir une grâce de Botticelli -- coule en une tumultueuse et foisonnante rivière d’or jusques aux reins épanouis dont la rondeur se déploie sur la chaise de bois qui les accueille. Ce soir, Sarahh est toute nue sous le long et chaste drapé de sa robe, un imprimé de coton aérien parcouru d’une campagnarde moisson fleurie. La rondeur libérée de ses seins en comble le corsage empire, tandis que sous le vêtement qui fait rideau, ses cuisses accueillent l’instrument avec une largesse toute maternelle, prélude à l’enfantement de la mélodie.

Leur ouverture inconditionnelle répond-elle au Sésame ouvre-toi d’une amoureuse requête dont Schubert seul serait l’auteur ? Ou à leur point de jonction, sous le maquis, le fourré, le buisson ardent qui en marque l’épicentre et orne la fontaine de ce jardin clos tout comme sa porte des artistes, un hommage plus vibrant à sa féminité aurait-il trouvé, au cœur de son cœur, le plus délicieux objet auquel il puisse s’adresser en se conjuguant aux accents si graves et aériens de la Quintette à cordes en do majeur dont l’Adagio est aujourd’hui mis au programme ? Son Bienveillant aurait-il introduit avec une tendre dextérité, dans ce huis clos qui lui est tout à fait réservé, l’œuf vibrant offert en guise d’étrennes et en complément de la cravache amoureusement déposée sous l’arbre, afin qu’il tienne ce soir le pari d’enrichir, d’approfondir, de rendre plus fougueuse, plus passionnante et passionnée encore l’interprétation de Sarahh ; d’accentuer ce sturm und drang en conférant tout son sens et toute son indécence à l’expression musique de chambre ; de dénuder la mélodie dans sa vérité, désormais présentée au naturel, donc au surnaturel ?

Le corps de l’instrument fait paravent aux splendeurs ainsi présentées sous le voile. Seul son Bienveillant, son Bienaimant, son Bienaimé est initié au secret qui dort et repose encore blotti au plus intime au plus chaleureux de son être palpitant, source de volupté, matrice de vie.

Elle porte son regard vers les bancs de ce temple où, au premier rang des catéchumènes, des initiés figure son Tuteur. Tandis que le brouhaha de l’auditoire se fond dans le silence, entre le chœur devenu scène et la première rangée, leurs regards se cherchent, se trouvent, s’alignent l’un sur l’autre, s’inscrivent l’un dans l’autre en prise directe, mâle et femelle, se lient, se coulent en une invisible et indissoluble étreinte.

D’où provient l’auditoire réuni en ce lieu illuminé de tous ses feux pour les fêtes, salle de concert d’un soir, à l’invitation de Schubert ? Ses membres sont ils venus déposer sur l’autel de la beauté qui les accueille avec compassion leur fardeau de misères et de mortalité pour en voir le pain de propitiation transfiguré et devenir chair au moment où la musique prend corps ? Que de douleurs viennent ici réclamer droit d’asile et trouver réconfort. Au fond de la salle, sur la droite, seuls au monde, percerez-vous leur secret : un universitaire déchu, la soixantaine robuste, trapue, volontaire et combative, les cheveux blancs et courts. Il est hanté par l’ombre d’un mensonge originel et sa suite de conséquences, tout à la fois forgées de ses mains et infligées par la Vie qui fait écho à nos actes comme la mélodie se réverbère sur la caisse de résonance des voûtes gothiques de cette chapelle dont les arceaux portent les regards en altitude tandis qu’ils en amplifient l’éloquente voix. Ses yeux émerveillés d’art illumineront bientôt d’intelligence vive un visage buriné où s’inscrit le dernier chapitre de son existence. Assise à côté de lui, son amante inattendue, une blonde à la peau blanche, la lèvre amère, méfiante, versatile, voluptueusement portée à son point d’ignition par le cynisme las d’une trentaine illettrée, un cœur tuméfié sous le choc des oppressions qui l’ont confinée dans le dénuement, une âme violée, perdue et retrouvée, ce soir. Elle reçoit avec la foi naïve et à peine convaincue, non pas du charbonnier mais de la femme de ménage et vachère, ce sacrement qui parcourt de frissons la nuque militaire de son amant, si bien qu’elle pourrait en concevoir quelque jalousie. Tout près d’eux, l’auteur, Nathan Zuckerman, oui voyez c’est bien lui, qui a percé à jour leur secret. Il racontera leur histoire marquée des défaillances qui entachent leur vie et, déjà à la tâche, note le tout.

Sarahh attaque de l’archet les cordes qui répondent à son impulsion tandis que ses doigts se délient dans l’enchaînement de leur allée-venue. Elle fait monter l’invocation de l’instrument dont les accents graves, méditatifs s’élèvent dans le chœur, conjugués à la voix du second violoncelle qui joue à l’unisson, faisant résonner ses intonations en contrepoint pour former une mélodie sublime. Schubert accomplit son œuvre plus intime entre ses cuisses qui l’accueillent et le recueillent, l’invitent à se présenter à la porte du sanctuaire pour la combler de vibrants friselis en guise d’hommage préliminaire -- et jusque dans son sexe, oreille interne de l’âme, épicentre des réverbérations que le murmure tendrement viril de l’instrument y propage.

L’Adagio s’adresse avec une impérieuse pertinence à ses reins, et son envoûtement, que l’archet éveille, suscite, exerce éloquemment, comble son attente si urgente, si fervente, si recueillie. Il se propage comme un frisson sur une chair amoureusement proposée et y fait déferler ses vagues abstraites, mathématiques, invisibles, si tangibles pourtant. L’effet orchestral du dédoublage formant une musique pour l’éternité, s’enrichit du dialogue des deux violoncelles évoluant en contrepoint au fil de l’écriture harmonique, comme en une musique chorale. Déchirante, somptueuse la mélodie se délove avec une infinie évidence et prend l’artiste tout comme l’auditeur par la main, dès les premières mesures, pour leur en faire vivre l’humanité.

Et tandis que Sarahh déploie ses ailes et prend son vol dans un roucoulement de l’Esprit, la main de son Bienaimant se love autour du boîtier de la télécommande, dans la poche droite de sa veste. Du bout de l’ongle, l’index fait avancer d’un cran la molette rainurée, engage le mécanisme et le dispositif décoche l’onde qui se propage jusqu’à l’entrecuisse de la violoncelliste, amorçant le vibrato plus secret, plus ardent d’une tout autre musique. Dans le saint des saints de Sarahh naît alors le murmure et le chuchotement fécond de l’Oeuf originel, l’invocation de la volupté naissante. La molette tourne un cran de plus… et s’amorce alors une sarahhbande, un tango sans hésitation, moins pieux, plus éperdu, plus insistant, plus organique.

Seul son regard liquide, traduit, trahit, la perturbation de tout son être suscitée par l’onde troublante qui irradie et se propage, au départ de sa source, sur les plages intérieures des cuisses comblant profondément leurs longs muscles fuselés qui frémissent à l’unisson. Elle ondule et danse dans ses tripes, tant et si bien que la vague scintillante atteint jusques à l’anus dont la pulsation comble l’intéressée au-delà de ses rêves les plus impudiques, tandis que sa minuscule bouche froissée semble vouloir combler de baisers le bois franc sur lequel elle était posée et maintenant se frotte, se trémousse, tentant d’apaiser l’inextinguible et sauvage soif qui l’étreint.

Que de destins, d’existences se côtoient, se voisinent et conjuguent leurs couleurs ce soir pour former ce silencieux bouquet d’espoirs, d’attentes et de recueillements, un auditoire choisi, dont les tonalités multicolores s’alignent sur les sombres bancs parallèles comme les éléments d’un jardin à la française tiré au cordeau. Chacun porte son secret et aucun ne pourrait même imaginer celui qui, au plus intime de la soliste, laisse entendre son insistant murmure, chuchote des cochoncetés si amoureusement convaincantes.

Mais comment le second violoncelle pourrait-il ne pas remarquer le tremblement à peine perceptible de la lèvre inférieure, que Sarahh mord pour contenir le gémissement ne demandant qu’à enrichir la mélodie d’un irrépressible cri du cœur ; ses pupilles dilatées, égarées, affolées qui se braquent périodiquement sur son Tentateur trahissant une contemplation plus que musicale ; la chevelure dont l’oscillation fougueuse de la tête anime la pluie d’or ; l’emportement que traduit sa gestuelle accusée ; la crispation, des hanches, de la croupe rappelant celle d’une écuyère à l’instant qui précède le saut, quand son poids portant sur les étriers, les genoux ployés, elle crispe et arrondit son rebondi en prévision du bond imminent qu’exécutera sa monture dont la musculature se tend, se crispe et se distend sous sa robe moirée, odorante, parcourue de sueur, tandis que l’étalon élargit de son dos puissant les cuisses qui le chevauchent, que le cul féminin se surélève de la selle dont la coquille chaleureuse et lustrée l’accueillait en cadence jusqu’alors, les fesses s’offrant et se proposant maintenant à tous les regards, à l’œil noir et inquisitif de toutes les caméras, altières et magnifiques sous la culotte d’équitation tendue à craquer et qui leur fait fourreau, tandis que s’approche, que survient l’instant béni où se déclenchera jusqu’à l’envol la bondissante ferveur de cette cavale.

Ces indices conjugués précisent le soupçon qui se confirme dans l’esprit du violoncelliste lorsqu’il porte son regard vers la salle et en parcourt le premier banc là où Sarahh darde le sien… pour constater l’évidente connivence du regard viril qui le soutient, lui répond, avec une énergie volontaire, tandis que la main droite du spectateur quitte la poche de sa veste et vient se poser sur son pantalon de laine grise. L’essentiel est visible dans les yeux.

Scherzo : Presto

Au vin d’honneur qui suit, les félicitations sont de mise devant une interprétation exceptionnellement sentie et le champagne délie les langues tandis que les canapés régalent les yeux, comblent les palais. Sarahh et son Confident devisent avec le second violoncelle dont le regard, d’abord interrogateur, s’illumine maintenant d’une certitude, tandis qu’il se tourne vers l’Homme en qui il devine plus que le mari, de fait, le véritable Tuteur en titre de celle qu’il aimait considérer jusqu’alors comme une amie intime. Sibyllin, énigmatique, comme un Maître zen, il prend congé en les gratifiant d’un koan, d’une énigme dont la solution est destinée à marquer leur apprentissage.

-- Eh bien, mon cher, il me reste à déterminer si notre Sarahh a opté ce soir pour l’expressionnisme… ou pour l’excessivisme musical comme dirait Dorgeles, mais à tout événement, puisque nous semblons devoir nous complaire dans le paradoxe, j’estime que le moment est venu pour vous de battre la démesure, si vous me permettez l’expression. Ce qui, je crois, sera loin de perturber l’harmonie de votre couple, bien au contraire. Notre public a eu la cordialité de nous applaudir des deux mains, me dit-on. Mais quel son rendrait un spectateur qui nous applaudirait d’une main, je vous le demande ?

Zen. Vous dis-je.

Allegretto

La porte de la voiture se ferme. Au baudrier et à la sangle de sécurité qui assurent le haut du corps et la taille, son Tuteur a ajouté, comme il le fait les soirs d’extrême impudeur, deux lanières : l’une enserrant les cuisses juste au-dessus des genoux, l’autre, les poignets. Il contourne la voiture sur l’arrière, met avec précaution dans le coffre l’instrument qui dort maintenant dans son étui, ouvre la portière gauche, retire la télécommande de la poche de sa veste, la dirige sur Sarahh

-- T’en supplie !!!

-- J’espère bien, répond-il imperturbable. Son pouce fait rouler la molette, lentement, délibérément, à trois reprises, poussant le réglage au maximum. Le chuintement provenant du plus intime de son amante, de son élève de sa pupille, de sa femme laisse entendre sa mélodie entêtante, son vrillement assourdi qui monte dans l’habitacle clos. Réduite à l’impuissance, celle-ci se tortille, trépigne, se dandine sur la banquette où elle est assujettie, les reins chassant de droite et de gauche, le turlututu s’arquant, se calant dans le siège fini plein cuir qui le moule. Sa robe est chiffonnée, ramenée sur le haut des cuisses par ce ballet de gesticulations que retiennent et contiennent les sangles. Son manteau largement ouvert ne cache rien des ébats de ce corps galbé sur lequel son Homme jette, à la dérobée, un gourmand regard d’expert.

Devant eux, la route qui remonte le cours de mille nuits ardentes délove ses longs virages dans le faisceau blanchâtre des phares. Ronde comme une montre égrenant les secondes qui les sépare encore de l’heure dite et convenue, la lune peuple d’ombres gris noir la campagne neigeuse, quadrillée de clôtures qui se profile tandis qu’ils poursuivent leur course à travers la plaine dont la plage étale et molletonnée annonce leur destination. Parvenue aux abords familiers de la commune, la voiture ralentit, ses pneus crissant sur la neige pour emprunter à gauche la rue, tout au bout de laquelle les attend la belle et grande maison dont ils ont fait au fil des ans le temple de leurs amours charnelles et qui semble, en cette nuit étoilée, illuminée de promesses. Elle est toute vibrante et habitée de mille souvenirs qu’elle a précieusement conservés entre ses flancs, tandis qu’elle parcourait comme une nef chargée de tous les trésors d’un Orient Extrême, les mois et les années de leur fraternité complice.

Il empoigne la crinière d’or laineux faisant main basse sur sa richesse. Comme les genoux de Sarahh sont étroitement entravés par la sangle qui les lie et les soude, elle tend devant elle ses mains astreintes et jointes pour ne pas perdre l’équilibre en quittant le véhicule. Et c’est en adoptant le trottinement d’une Betty Boop, réduite à n’exécuter que des pas minuscules, les jarrets bombés par les talons hauts qui font osciller ses chevilles et la contraignent à des tortillements d’effeuilleuse, que Sarahh entreprend la longue marche menant au porche de la porte arrière attenante au stationnement.

Car le trajet du retour n’a fait figure que d’intermède et le concert de ce soir n’est pas encore terminé. C’est à la cravache que son Tentateur, devenu son Fustigateur, se propose de conduire l’ultime mouvement de cette quintette, la rigueur visant à déclencher la réaction en chaîne de l’extase dans ce corps de femme où la volupté atteint déjà la masse critique et ne demande qu’à être libérée.

Voyez Sarahh, dont la robe est allègrement troussée, au centre du salon, tant et si bien qu’on croirait apercevoir un parachute en torche à l'instant où la malheureuse percute le sol. La taille en est ramenée à hauteur des seins et le vêtement masque tout le haut du corps qu’il drape, engloutit et rend invisible sous ses replis torsadés, faisant sac maintenant qu’est resserré le cordon dont est muni l’ourlet du bas et qui laisse uniquement émerger et paraître les mains jointes de Sarahh, gages d’une foi aveugle. Les reins, fesses, cuisses enserrées par la sangle, mollets, chevilles oscillent, ondoient et cherchent leur équilibre vu la réclusion où Sarahh est maintenant confinée, tandis que le vrombissement aigu de l’œuf et les gémissements qu’il suscite témoignent du désarroi où cette discipline-là plonge la soliste. La main de son Confident parcourt, visite, effleure, palpe, empoigne, investit et fouille d’autorité ce corps de femme livré à merci, astreint à une sensuelle servitude, radicalement contraint à l’impudicité, épuisé des voluptés insistantes et persistantes qui l’ont amené au paroxysme trois, quatre, cinq fois sur le chemin du retour, jusqu’à plus soif. On dirait une immense fleur qui se serait déployée dans les jardins imaginaires d’un autre monde et qui se trouve radicalement transplantée dans la quotidienneté domestique.

Monsieur tient entre ses doigts la cravache offerte en étrenne qui n’attend que d’exercer son office. Il la tend, la fait bomber pour en éprouver la souplesse. Il l’applique prestement sur la paume de sa main gauche, comme en un applaudissement silencieux, afin d’en apprécier le baiser et le mordant. Est-elle moins redoutable que l’instrument ligneux et noueux des rigueurs scolaires dont le terrible chuintement marquait naguère une formation britannique ? Je vous laisse en juger. Comment savoir ? Avez-vous même goûté, dans votre chair, à la canne, à la cravache ? Le mot cingle-t-il autant que la chose, croyez-vous ? Cette dernière ne laisse-t-elle pas entendre des accents assurés et incisifs lorsque le Bienmordant la décoche d’une flexion souple du poignet, comme un duelliste saluant du fleuret avant l’engagement ?

Puis, en guise de coup de semonce, le Bienfouettant le Père Fouettard ajuste le tir en tapotant le pli sous fessier de Sarahh transfigurée en punie honteuse, fautive sanglotante et implorante, pensionnaire en retenue, délinquante astreinte aux rigueurs du redressement. Les beautés occidentales, la croupe en pomme qui sera proposée et livrée à merci tout au long de cet Allegretto en reprise auquel elle sera désormais contrainte, se contorsionnent, dansant de plus belle, à ce contact connu et reconnu, tandis qu’une supplique de chaton se fait entendre et monte comme une ultime prière annonçant le sacrifice dont elle constitue le préambule et l’introït. Et Monseigneur poursuit la leçon amorcée avant le concert, dont la gamme majeure lui fournit le motif approprié pour sanctionner un écart mineur.

-- Sol… pour la sollicitude que je ressens à votre endroit, malgré vos carences et vos écarts, vos grands-petits écarts Alors, comme un cocher lançant une diligence sur la route qui mènera ses passagers vers le château mystérieux et crénelé dont la sombre et puissante masse se dresse à l’horizon de leur imaginaire, il élève le bras vers l’arrière, fléchissant le poignet pour amorcer le moulinet classique par lequel il exécutera la première application. Quand le geste se déclenche, il ramène d’une main légère et mesurée, la cravache chuintante et chantante en un gracieux arc de cercle de telle façon que le coup d’envoi concerne toute la médiane de cet univers placé sous son pouvoir, au plus rondelet, au plus rebondi du derrière, quelques centimètres à peine au-dessus du pli sous fessier. De part et d’autre de la ligne d’impact se propage une onde de choc qui se diffuse en arc de cercle, jusqu’à la circonférence du croupion tout entier saisi d’un spasme, tandis que la demoiselle, réduite à un complaisant repentir, exécute un saut de carpe. Le coup marque la chair d’un pâle sillon rosacé, parfaitement net qui suit le bombé du cul comme une latitude. Cette trace permet au Redoutable de bien localiser l’endroit atteint, pour mieux déterminer où doivent porter la seconde et la troisième application, soit d’abord un centimètre au-dessus, puis un centimètre au-dessous.

-- La… car je dois vous donner le « la » avec toute la fermeté requise, afin que nos rapports s’inscrivent dans l’optique souhaitée. On l’imaginerait maintenant volontiers en hussard montant un étalon qu’il lance en avant lorsque sonne la charge, quand il lève plus magistralement encore le bras et, ne quittant pas du regard la cible de ses attentions suivies, applique le second coup, plus délicieusement énergique, conçu pour solliciter le repentir qui ne manque pas de s’exprimer par un gémissement issu du cocon où Sarahh, chenille appelée à émerger bientôt papillon, affronte avec un courage résolu les aléas de la gestation qui la transfigure. Ce deuxième trait s’inscrit en parallèle juste au dessus du premier, légèrement violacé, l’un et l’autre rappelant les deux lignes supérieures d’une portée et réglant comme du papier à musique les fesses de la violoncelliste, désormais bien tempérées.

-- Si… car il n’y aura entre nous ni de si, ni de mais, et je vous convierai à suivre sans dévier le droit chemin de vos devoirs petits et grands. On craindrait que la troisième application ne vise à assaillir la chair de ce popotin de putti, si tendre, si câlin, tant le Fouetteur ramène loin derrière l’épaule l’instrument de discipline, et l’on appréhenderait qu’il ne soit infligé à la force d’un bras alourdi par tout l’élan et le poids du torse. Mais la cravache retenue in extremis au bénéfice de la Miss ne fait que tapoter avec une légèreté aérienne le croupion rondelet et rougeoyant, métamorphosé en turlututu de diablotine, ravi, repu comblé d’être si magnifiquement enflammé, enchanté et soulagé par la mansuétude disciplinaire de cette ultime mesure.

-- Do… et nous revenons à l’octave pour rappeler la vérité initiale dont vous fournissez l’exemplaire démonstration. Le violoncelle, comme l’amour, comme la volupté, mon petit, est le fruit d’un labeur. Au lit ou sur scène, vous ne retrouverez votre spontanéité toute vive, votre expressivité toute nue qu’une fois l’âme burinée et transfigurée par l’effort. J’y veillerai personnellement.

Et ce disant, il s’approche d’elle, enlace la taille qui ploie sous son autorité, empaume le sexe qui déjà épuisé de sollicitations semble vouloir se dérober tandis que les reins tremblants, craintifs, éperdus oscillent. Se lovant autour de sa Bienaimée, recueillant avec tendresse entre ses bras son torse, sa tête voilés comme ceux d’une fiancée mahométane, humant les parfums conjugués de son sexe, de ses aisselles, de sa crinière qui émanent du tissu et à travers lui, il chuchote à son oreille dont il cherche, puis devine le pavillon sous le voile :

« Je suis belle O mortels, comme un rêve de Pierre ! »