Organique...
Simone de Beauvoir qualifiait d'organiques les sauteries particulièrement cramantes qu'elle s'offrait aux détriment de notre cher Jean-Paul. Et de s'interroger : « On dit aimer quelqu'un. Mais aimerait-on son foie ? »
Être de conscience et de protéines, nous vivons cette ambibuïté d'habiter pour ainsi dire un corps, mais de ne pas nous définir tout entiers par ce corps. Une gastroentérite nous inscrit hors de lui en nous mettant hors de nous. Nous ne sommes pas les déjections qui en jaillissent, giclent et dégoulinent... Par ailleurs, nous sommmes éperdûment corps quand vient le moment de faire dix longueurs de piscine dans la foulée, quand survient la fulgurance de l'étreinte ou, pour les gens de notre conviction, de l'amoureuse fessée, du tapottement de la cravache, du sifflant baiser du martinet qui fouette délicieusement le sang. Mais même les pénétrations les plus endiablées ne concernent que certains minuscules orifices et appendices fleuris de muqueuses gonflées à bloc et somptueusement innervés.
La prise en main amoureuse se déploie en mille frottis-frottas de l'épiderme, tissu si sensible qui enrobe et moule à ravir les seins et le poitrail, le petit ventre rond, le bombé des miches ondoyantes, le fuselé des cuisses qui fléchissent. Tandis que s'exécutent les entrechats des genoux s'entrechoquant. Tandis que se noue le corps à corps de deux êtres au coeur desquels battent ardemment les pulsations fiévreuses de deux coeurs et qui mélangent leurs souffles haletants porteurs d'enjôleries, de couinements et de râles, soit l'aria en duo de l'abandon.
Qu'étreint-on ?
Qu'arriverait-il si les corps dénudés qui semmêlent dans cette empoignade étaient, en un second déshabillage, dévêtus de leur peau ?
C'est l'interrogation à laquelle répond avec une décapante et toute scientifique franchise l'exposition Body Worlds, the anatomical exhibition of human bodies qui révolutionne aussi radicalement que possible la perception du corps humain au bénéfice d'un public médusé. Elle sera au Centre des sciences de Montréal du 10 mai au 7 septembre 2007.
La conservation des corps volontairement légués par les intéressés est assurée grâce à la plastination, procédé inventé en 1977 par le Dr. Von Hagens qui en remplace les éléments putrescibles par des polymères et dont je vous épargne les détails. Chaque exposition réunit plus de 200 corps humains entiers, des organes, configurations d'organes et coupes de corps. Ainsi, les visiteurs sont-ils à même de mieux comprendre les conséquences à long terme de la maladie, les effets de la consommation de tabac et le fonctionnement de genoux et de hanches artificiels. À ce jour, près de 20 millions de personnes partout dans le monde ont vu l'exposision BODY WORLDS. Organique !
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