À l'ombre des jeunes filles en fruit

Quel charme trouble dégagent ces demoiselles parvenues à maturité et dont les comportements appellent encore des mesures que l'on croirait être le fait de la prime jeunesse ! Un éducateur expert saura conjuguer tendresse et rigueur à leur bénéfice et voilà ce qui fait l'objet de notre réflexion.

12/02/2006

Éducation amoureuse


Deux mots qui se complètent. Comme un sexe féminin accueillant, enrobant, gratifiant un sexe mâle de son fourreau soyeux. Comme deux bras virils encerclant au plus près un souple torse de femme qui ploie sous l'invitante étreinte. Comme une main impérieuse se posant à plat sur les lombes d'une jeune fille cambrée en équerre, en travers de la cuisse de son amant solide comme une bûche, pour mieux l'inviter à exécuter une profonde révérence afin de faire saillir et se présenter en toute plénitude les splendeurs galbées et nues qui de tradition constituent la cible de mesures marquant une fermeté bien conçue, ultime recours d'une éducation suivie. Lorsque vient le moment tant attendu, si ardemment espéré de sanctionner une insolence, de mettre bon ordre dans les sentiments ou les ressentiments, de ramener à bride courte une pouliche égarée par champs et par vaux et qui, rétive, refuse la selle, s'entête à sauter la barrière de l'enclos, regimbe devant l'obstacle à franchir dans les règles de l'art et s'ingénie à braver l'échéance pourtant inéluctable du dressage qui la fera marcher au pas, au trot, au galop, sur ordre.
C'est bien l'obéissance, garante de bonheur dans les familles comme au sein du couple qu'il s'agit d'inculquer, avec une compréhensive fermeté afin d'infléchir le cours de ces débordements et de ramener l'intéressée dans le droit chemin qui mène, par degrés, jusqu'à l'alcôve de voluptés ayant pour prix une soumission toute filiale.
Faudrait-il confier à un collège suisse, à un redoutable pensionnat écossais la tâche ardue de son éducation ou la prendre en main soi-même ? Un amant, un tuteur avisé et résolu voudra veiller personnellement à cette formation pour la conduire dans l'esprit selon lequel il la conçoit, avec une ponctualité dont lui seul peut être garant et en faisant appel à des trésors d'imagination qu'un véritable amour inspire. Il y a des choses qui ne se délèguent pas. Aussi inattendu que cela puisse sembler, la demoiselle appelle son intervention de tous ses voeux et se coulera bien naturellement dans son personnage, celui d'une pupille cabocharde et rétive qui ne multiplie les incartades que pour mieux les voir sanctionnées.
Voyez l'angoissante attente à laquelle elle convient d'être astreinte par un vendredi soir plus fertile en rebondissements que les autres et qui met le point final à une semaine particulièrement dissipée. Sa compo a-t-elle rougi de honte ? Un album issu de la plume impudiquement lyrique de Manara aurait-il été découvert dans son cartable par un surveillant estomaqué ? A-t-elle été retrouvée une cigarette aux doigts et un verre de beaujolais à la main, trônant -- sa jupette réglementaire troussée à mi-cuisse -- sur un banc de bar du Lapin à Gilles, repère notoire des garçons qui à trois cent mètres de la Pension des pinsons sont également astreints à marcher droit sous la férule des Jésuites. (Ces Messieurs les éduquent Ad Majorem Dei Gloriam dans le colllège dont la tour carrée marquant l'entrée principale de style gothique anglais se dresse, bien visible comme un phare, à l'horizon de ses inclinaisons cramantes.)
Ou encore, par ordre croissant de gravité, aurait-elle été surprise sous la douche ou au dortoir, gratifiant son intimité de délices qui constituent l'exclusif privilège du mariage et la contrepartie de la maternité ? A-t-elle osé braver cet interdit-là pour se complaire dans des cochoncetés qui sont le secret le mieux gardé de jeunes filles dont l'innocent regard ne laisse pas deviner les déchaînements auxquels elles se livrent dans le secret de leur chambre ?
Voilà qui expliquerait le foisonnement d'inscriptions mutines se multipliant en marge de ses notes de cours avec une surabondance digne d'un exégète. Voilà qui motiverait les croquis qui les illustrent et les accompagnent, où l'on devine une cavalcade de personnages s'emboutissant les uns les autres, s'arc-boutant les uns contre les autres, tantôt tête-bêche, tantôt investis par la porte des artistes, tantôt lovés et enlacés, tandis que leurs rotondités se côtoient, se trémoussent, s'entrecroisent, s'entre-pénêtrent dans une pagaille de traits que l'on croirait issue, à porte de l'Enfer ouverte, de la main d'un satyre, de l'âme de Rodin.
Voilà qui motiverait ces rêveries entrecoupant d'interludes trop fréquents ses travaux à l'étude et pendant lesquels elle semble entrevoir on ne sait trop quel pays des songes, tandis qu'elle dodeline des hanches, serre les cuisses, contracte l'entrecuisse et bombe, en une série de spasmes volontaires, son turlututu qui, sous l'uniforme, fait rouler ses rondeurs voisines comme deux miches dorées, comme deux melons miels, contre le bois verni réchauffé par leur tendre poids à travers la culotte blanche tendue comme un gant et dont le fond doublé accueille sa liqueur. Voilà qui permettrait à ses professeurs de comprendre enfin pourquoi ses travaux sont en train de ne pas se faire, ce qu'elle explique par une diversité d'improbables circonstances atténuantes.
Dès lors, quelle fermeté permettra de policer ces débordements, de restreindre ces dérapages aussi périlleux pour son bonheur que désolants au regard de sa formation, de ramener dans le rang la fautive et de lui inculquer l'esprit de devoir qui est la marque d'une jeune fille accomplie ? Il ne semble pas que la retenue en semaine suffise, pas plus que la privation de dessert n'était efficace à la maison. Faut-il croire que la retenue de week-end, avec pensum à la clé saura mettre un peu de plomb dans cette cervelle de mésange ?
Ou ses maîtres devront-ils se résoudre à avoir recours aux ultimes mesures qui doivent être mises en jeu lorsque tout un semestre d'études menace de basculer dans le désastre scolaire d'une année à reprendre ? Que dire de leurs responsabilités envers la famille qui pour mieux la choyer se saigne aux quatre veines et l'inscrit dans une institution d'éducation renommée ?
Que penser des conséquences de cette délinquance pour la réputation de l'établissement qui ferait preuve d'une coupable mollesse face à un entêtement dans l'inconduite ? Comment ne pas
appréhender l'éventuel effet d'entraînement que pourrait avoir cette Miss sur ses congénères dont la conduite semble jusqu'ici répondre aux critères établis ?
Le moment n'est-il pas venu de faire preuve d'une rigueur toute pédagogique ?
À ce stade, on ne saurait envisager des dispositions d'une sévérité excessive, ni l'application des instruments de discipline qui constituent le tout dernier recours de l'éducateur et font l'objet des plus redoutables légendes d'une pension traditionnelle : règle, courroie, martinet, canne, verges. Un jugement avisé, une fermeté éclairée recommandent par ailleurs, en guise de mesure préliminaire et de premier avertissement, le recours à la fessée classique, déculottée appliquée à main nue, non pas devant la classe, mais après l'étude. Une fois que la cloche appelle à la prière du soir ses congéneères, il est tout naturel que la fautive soit invitée à une méditation plus approfondie sur sa conduite récente et les conséquences de ses actes.